mercredi 18 janvier 2012

LA DANSE DES 4 SAISONS

Rue Fossé-aux-Loups, le passant égaré, sortant de son après-midi de shopping rue Neuve, peut, s'il décolle le regard du cadran de son gsm, découvrir soudain sur sa gauche un bas-relief monumental déroulant une étrange farandole sur le mur. Qui sont ces dames aux yeux bridés, aux formes arrondies, qui dansent pieds nus au dessus des badauds, agitant leurs voiles et leurs cerceaux ? Pourquoi ces petits cupidons, ces musiciens, ces jeunes éphèbes au pagne exotique peu adapté au climat souvent frisquet du petit royaume ? C'est la Danse Des Quatre Saisons, du sculpteur flamand Oscar Jespers, qui depuis 1950 anime l'entrée austère de l'ex Caisse Générale d'Épargne et de Retraite. Mixant habilement la pierre et le métal, l'immeuble lui-même est signé Alfred Chambon, qu'on ne confondra pas avec son père, Alban. On retrouvera Oscar dans quelques autres quartiers de la capitale, et son petit atelier moderniste fait toujours le coin au 149 avenue du Prince Héritier, à Woluwe-Saint-Lambert.

Rue du Fossé aux Loups 48
1000 Bruxelles

Liens :
Oscar Jespers, par José Boyens
Sculpture publique en Belgique

samedi 7 janvier 2012

LA JUNGLE DE L'ELDORADO

Sur la Place de Brouckère, caché derrière la façade banalisée de l'UGC, subsiste depuis 80 ans un petit lopin de forêt vierge.
Rappelons les faits : en 1933, l'architecte Marcel Chabot, associé dans cette aventure au décorateur Rodriguez, transforme le Cinéma Des Princes, qui faisait grise mine avec ses 360 places, en un majestueux Eldorado, aux 2700 fauteuils.
A l'extérieur, une porte gigantesque, ouverte sur le trottoir comme la gueule d'un hippopotame, happe le passant pour l'engloutir vers les contrées inconnues, troublantes et merveilleuses de l'Eldorado.
Mais le morceau de bravoure de ce palace exotique est dans la salle, réalisé par les sculpteurs Wolf et Van Neste. Inspirés, semble-t-il, par la façade monumentale du Musée des Colonies de Paris, Porte de Vincennes, ils signent les bas-reliefs d'une magnifique pièce de jungle Art Déco, version murale et condensée du Congo Belge de Leopold II, avec éléphants, négresses à plateau, guerriers farouches, gazelles, pirogues et feuilles de palmiers qui courent au plafond sous un soleil équatorial.
Bardaf, arrivent les années septante. L'or de l'Eldorado a vécu. Les recettes chutent comme à Boyoma. En 1974, va-t-on raser la jungle de Brouckère ? Bula Matari ? Non pas tout à fait, mais l'élaguer gravement. La salle est coupée en deux, les bas-reliefs en font les frais et sont tronqués en partie basse. Amputés, les éléphants, cul-de-jattés, les guerriers.
Et les spectateurs venus en 2012 regarder Alvin et les Chipmunks batifoler à l'écran en mâchant leur pop corn de découvrir ce vestige de féerie coloniale, 45 ans après Le Dernier Train Du Katanga.

Place De Brouckère 38 - 1000 Bruxelles


Liens :
www.memoire60-70.be
bruxelles5 Photography
Les cinémas de Bruxelles 

jeudi 5 janvier 2012

FRANS MASEREEL

Humaniste, socialiste, pacifiste, révolté, anarchiste peut-être, belge (plus exactement flamand), Frans Masereel (1889-1972) était un virtuose du noir & blanc et de la gravure sur bois.
La Ville, parue en 1925, est un véritable film muet en 100 planches visionnaires : bourgeois bouffis et corrompus, ouvriers au chômage, prostituées errantes, flics sadiques, émeutes, assassins de faubourgs, hôtels tragiques, machines infernales, politiciens illuminés, lumières nocturnes, publicités absurdes, bals maudits, spectacles grotesques, embouteillages, buildings aux cheminées noires toujours fumantes.
Mais il ne faudrait pas croire que Masereel était un désespéré, se complaisant dans le sordide. Au contraire, il était à l'évidence amoureux de la vie, et des femmes, que l'on croise souvent dans ses gravures, belles, sensuelles, magiques.
Sa bibliographie est kilométrique, mais il faut absolument avoir lu (ou vu) La Ville, et Mon Livre d'Heures (1919). Un pavé colossal, format XXL, édité par Fonds Mercator en 1976, a tenté de faire une synthèse de Masereel en 300 pages.

Biographie :
http://caira.over-blog.com
www.oulala.net